ateliers
& lieu d'exposition
Texte pour l’exposition Bridge over trouble water, Nice 2014
"Travaillées à plat, les peintures de la série « L’Air de rien » n’ont pas été foulées par l’artiste, elles s’inscrivent dans l’héritage du modernisme américain à travers l’utilisation du all over qui incite le spectateur à entrer dans le tableau. Leurs surfaces miroitantes renverraient quant à elles aussi bien aux White Paintings (1950), Solstice et Soundings (1968), c’est-à-dire à la jeunesse de Rauschenberg, qu’aux séries de la maturité Borealis (1990) et Night Shade (1991) dont les œuvres blanches et réfléchissantes ou celles en plexi, cuivre et aluminium intègrent, dans le tableau, à la fois l’image, la présence du spectateur et l’espace environnant.
Les surfaces bleutées, argentées et cuivrées, mates et/ou brillantes des peintures de Jérôme Robbe évoquent autant la condensation de la vapeur d’eau sur une vitre, le lit d’un ruisseau qu’une image atmosphérique. Le caractère réfléchissant des tableaux piège le regardeur à la surface de l’œuvre dans des apparitions plus ou moins fantomatiques voire déformées par les ondulations du support. Si la référence initiale est celle d’un ciel ou d’une surface aqueuse les nombreuses couches de vernis jouent sur la déperdition dans la représentation, créant une impression d’inquiétante étrangeté. Ainsi, les peintures récentes de Robbe se situeraient entre une tradition moderniste de l’absolu de l’art, libéré de toute référence externe : en tant que pur traitement d’un matériau spécifique et la rupture avec cette tradition opérée par Rauschenberg qui s’oppose à toute forme d’autonomie de l’œuvre. De cet art absolu dont la pensée s’observe dès le premier romantisme à l’art comme image du monde, Jérôme Robbe semble avoir opéré une synthèse.
Élodie Antoine